Shinsui Itō, né en 1898 à Tokyo sous le nom d'Itō Hajime, est l’un des maîtres incontestés du mouvement Shin-Hanga (nouvelles estampes), courant artistique qui redynamisa le monde de l'estampe au XXe siècle en alliant tradition japonaise et esthétique moderne. Elevé dans un contexte de transition entre l’ère Meiji et l’ère Taishō, Itō grandit dans une famille modeste et fut contraint d’abandonner l’école très jeune pour subvenir à ses besoins. Cette précarité initiale forgea une discipline et une sensibilité artistique hors du commun.
Très tôt remarqué pour son talent de dessinateur, il devient l’élève du peintre kaburaki Kiyokata, figure centrale du bijin-ga (représentation de la femme). Ce mentorat le plonge dans le monde de l'estampe tout en l’ouvrant aux innovations du shin-hanga. Soutenu par l’éditeur Watanabe Shōzaburō, Itō publie en 1916 sa première estampe, Après le bain, un bijin-ga qui établit son style délicat et raffiné, jouant sur les textures et les transparences.
Son œuvre se distingue par une représentation élégante et poétique de la femme japonaise. Il redonne une dignité, une modernité et une profondeur psychologique à ses sujets, souvent vêtus de kimonos somptueux, saisis dans des moments d’intimité ou de contemplation. À travers une ligne fluide, un usage subtil de la couleur et une maîtrise exceptionnelle des dégradés (bokashi), Itō incarne l’héritier spirituel d’Utamaro dans un Japon en pleine mutation.
Il réalisa également des peintures sur soie, des illustrations et fut nommé artiste officiel de l’Armée Impériale pendant la guerre. Au cours de la période d'après-guerre, Itō est considéré comme l'une des personnalités les plus connues et respectées de la société japonaise et reçoit plusieurs honneurs importants. En 1952, la « Commission pour la protection des biens culturels » (Bunkazai Hōgō Iinkai) déclare son talent de conception de gravure sur bois un « bien culturel immatériel » (mukei bunkazai) qui équivaut alors à être déclaré Trésor National Vivant du Japon. En 1958, il est élu membre de l'Académie Japonaise Des Arts et en 1970 est élevé dans l'Ordre du Soleil Levant.
Son influence dépasse largement le Japon. Les rétrospectives de Zurich en 2016 (musée Ritberg) et de Barcelone en 2018 (musée Miro) révèlent à un public européen l’élégance intemporelle de son art. D’autres expositions notables ont eu lieu au Musée d’art Adachi (Japon) et au Museum of Fine Arts de Boston.
Shinsui Itō meurt en 1972, laissant une œuvre à la fois profondément japonaise et universelle. Il est aujourd’hui reconnu comme l’un des plus grands portraitistes du XXe siècle, et ses estampes continuent de fasciner par leur grâce silencieuse et leur intensité émotionnelle.
Les œuvres de Shinsui Itō, véritables joyaux du mouvement Shin-Hanga, sont aujourd’hui très recherchées par les collectionneurs avertis. Acquérir une estampe signée Itō, c’est posséder un fragment raffiné du Japon éternel, entre tradition et modernité.