Quand on pense au chat et au Japon, nous viennent les images du chat blanc, sa main levée vers son oreille, le regard bienveillant et sa grosse pièce d'or, en céramique (ou plastique aujourd'hui), qui accueille le client dans les commerces. Le célèbre maneki-neko, neko signifie chat en japonais et maneki , inviter ou saluer, ce "chat qui salue", venu de Chine est un chat de race bobtail qui apporte chance et fortune. On fera un article spécialement sur ces statuettes-tirelires, iconiques qui s'accompagnent de bien des légendes...
Mais bien au delà de la sympathique figurine, l'histoire des Japonais est parsemée d'histoire de chats ! Leur amour pour cet ami du quotidien se retrouve dans la littérature, des poèmes d'Issa qui lui dédia plus de trois cents haikus au célèbre roman de Soseki une vie avec mon chat devenu un classique. Il est tout aussi présent en image depuis la période Edo (1603-1868), de la peinture aux estampes et jusqu'à aujourd'hui dans les représentations kawai de la petite chatte célèbre Hello Kitty. Engouement affirmé aujourd'hui avec la création des bars à chat, où chacun peut aller admirer et caresser l'animal. Bref le chat est partout, des îles et des temples leurs sont dédiés et, depuis fort longtemps, on les regarde, on les observe, on les aime, même si parfois on s'en méfie...
Le chat serait arrivé au Japon, venu du Chine au VIIIe siècle. Il devient peu à peu un animal de compagnie rêvé et apparait rapidement dans la littérature. Qu'il s'agisse de Murasaki Shikibu dans le Dit du Genji ou de Sei Shonagon dans Notes de chevet, les deux Dames de la cour, écrivaines, font figurer le chat comme l'animal préféré des femmes de la noblesse. Choyé et gâté, on le promène en laisse avec son petit tissu rouge en guise de collier. Il est, dans le même temps, un partenaire indispensable pour chasser les rongeurs dans les villes.
Personnage de roman, il prend également une place de choix dans le bestiaire des représentations picturales. Animal parmi les plus prisés des peintres, il apparaît de bien des façons dans l'art de l'estampe japonaise. Kuniyoshi, qui eut une véritable passion pour les chats avec lesquels il vivait, prenait un grand plaisir à les représenter, parfois en les humanisant, ou les mettant en scène dans des images drôles comme celle où un chat s'apprête à déguster des carpes koi.
Deux triptyques de Kuniyoshi sont toujours très célèbres, dans lesquels les postures des chats racontent, au travers de jeux de mots, les noms des stations du Tokaido, ou évoquent des proverbes connus.
Kuniyoshi Les 53 stations du Tokaido
Kuniyoshi, Proverbes illustrés par des chats
Le chat est aussi une figure symbolique, synonyme de douceur ou d'espièglerie. Il accompagne souvent les images féminines comme les courtisanes dans des estampes d'Utamaro où sa présence accentue une sensation ludique et légère, ou encore, plus d'un siècle plus tard, dans des oeuvres de Yoshitoshi où il va évoquer l'ironie comme dans l'estampe intitulée fatigant qui représente l'amour tendre d'une jeune femme pour son chat : est-ce l'affection de la belle qui est "fatigante" dans le regard du chat ?
Utamaro Kitagawa, Femme et un chat. Yoshitoshi, Fatigant
De même dans l'estampe si célèbre de Hiroshige, de la série des Cent vues d'Edo, Asakusa, le chat qui regarde par la fenêtre va symboliser l'attente et la courtisane que l'on ne voit pas.
Si il est porte-bonheur ou associé à des instants ludiques ou de douceur, il peut aussi être l'image de la cruauté, devenant monstre ou vampire. Pendant sombre du maneki-neko, c'est le Bakeneko qui effraie dans les histoires populaires du folklore ou dans les pièces du théâtre kabuki.
Le bakeneko est un yôkai (esprit du folklore japonais), qui ressemble à un chat avec une longue queue. Ce « chat-monstre » possède plusieurs pouvoirs : il peut marcher sur deux pattes, parler, se transformer et même ressusciter les morts. Dans le pire des cas, ce chat pourrait aussi tuer son maître pour prendre le contrôle du foyer. À l’instar du Maneki-Neko, ce chat maléfique est né à l'époque Edo, lorsque que les chats permettaient de chasser les souris. Cette superstition a eu plusieurs répercussions. La première sera qu'on va couper la queue des chatons pour que ces derniers ne se transforment pas en yôkai en grandissant. Une caractéristique qui est à l’origine de la mode des chats à queue courte comme les bobtail. La seconde est qu'on ne laisse jamais un chat s’approcher d’un mort, sous peine que ce dernier ne ressuscite.
Chikanobu. Série : Les brocards de l'Est. Le monstre chat de Saga
Enfin, on l'a compris, le chat fascine et accompagne la vie des Japonais. Vous pouvez les retrouver dans la collection Animaux et bien sûr dans les oeuvres de Nishida Tadashige, grand amoureux et spécialiste de ses postures quotidiennes.
taquine avec sa queue
un papillon