Une Estampe Japonaise : qu'est ce que c'est ?

Une Estampe Japonaise : qu'est ce que c'est ?

Tout le monde connaît au moins une Estampe Japonaise, la fameuse Vague d'Hokusai, si souvent reproduite, mais savez-vous ce qu'est une Estampe Japonaise et comment elles ont été, et sont toujours fabriquées ? 

On vous fait ici un point, pour tous les amateurs ou les fins connaisseurs, des étapes de la production de cet art qui nous enthousiasme !

 

Une estampe japonaise est une gravure sur bois, ou xylogravure, c'est une technique d'impression, il s'agit donc d'un art multiple : plusieurs feuilles sont tirées pour un même sujet. 

Cette technique d'imprimerie ancienne apparaît en Chine dés le VIIe siècle, elle est utilisée au Japon par les moines bouddhistes depuis très longtemps avant de permettre l'apparition des estampes à l'ère Edo. Elle devient un art extrêmement populaire dans le courant de ce qu'on appellera l'ukiyo-e, (à lire dans l'article du blog ) une effervescence artistique dans le Japon du XVIIIe siècle, et va continuer de se développer au XIXe. Malgré la naissance d'autres modes d'impression comme la lithographie ou la photographie au XXe, l'art de l'estampe japonaise va rester vivant et aujourd'hui encore certains artistes contemporains utilisent ce mode traditionnel de création d'images.

 

Qui intervient dans les étapes de sa production ? 

La fabrication d'une estampe japonaise est un travail d’équipe de quatre personnes spécialisées dans une fonction particulière : l’artiste, le graveur, l’imprimeur et l’éditeur.

L’artiste 

La production de l’estampe débute avec le travail de l’artiste qui dessine les lignes de l’image sur un papier washi extrêmement fin, c’est l’image brute, appelée hanshita-e. C'est l'artiste qui est le créateur du dessin, qui décide les couleurs et les nuances, et c'est sa signature qui sera imprimée sur chaque estampe.

 

 

shita e estampe japonaise

 

 

Le graveur

Le graveur intervient alors. Il humidifie l’hanshita-e et l’applique sur une planche de bois de cerisier. Il va s'en servir comme d'un calque, pour graver les lignes du dessin, il va évider tout ce qui est entre les lignes, laissant en relief les tracés exécutés par l’artiste. On "épargne" les traits, c'est pourquoi on l'appelle aussi une "taille d'épargne". Il s'agit donc d'une gravure en relief (comme un tampon). Le dessin original de l'artiste , l'hanshita-e, disparaît donc à cette étape.

 

outils de fabrication estampe japonaise

 

On obtient alors ce qui est appelé la « clé » ou le « bois principal », c'est le bois du trait du dessin. Grâce à ce bois principal, une série d’épreuves noir et blanc sur papier, sont imprimées : les Kyogo. Celles-ci sont soumises à l’artiste qui y indique son choix de couleurs devant constituer l’image.

Les kyogo sont transmises au graveur qui sculpte un bois par couleur ; c'est à dire que toutes les parties du dessin ayant la même couleur seront gravées sur le même bois, et ceci pour chaque couleur différente. Autant de couleurs : autant de bois gravés.

 

 

 

 

 

 

 

 

La technique exigée pour la gravure de ces bois demandent une grande virtuosité et l'expérience de très nombreuses années de pratique minutieuse, on reste apprenti très, très longtemps avant de devenir un graveur reconnu ! On est souvent étonné par la finesse des traits.

 

 

Admirez la finesse des cheveux qui ont été gravés avec tant de précision sur cette estampe de Utamaro. 

L'imprimeur

Lorsque tous les bois sont gravés, c'est au tour de l'imprimeur :

Il encre à la brosse et au pinceau le premier bois gravé avec la couleur souhaitée, puis il va apposer délicatement, et en un seul geste, une feuille de papier sur le bois. Il frotte le dos du papier de la future estampe avec un tampon particulier, fabriqué en bambou, le baren, pour que l'encre s'imprègne sur la feuille. Il passe ensuite au bois suivant correspondant à une autre couleur (une estampe polychrome peut nécessiter plus d'une quinzaine de bois). L'ordre est précis, il commence par les couleurs les plus claires pour finir par les plus foncées. 

Il s’agit d’un travail extrêmement méticuleux qui demande une grande maîtrise. Pour que les lignes soient nettes et que les couleurs se juxtaposent parfaitement, il faut là aussi une longue expérience et un oeil aguerri. Un angle droit en relief appelé kentô, gravé sur le bois, constitue le seul repère pour l’imprimeur pour aligner avec précision la feuille sur chacun des bois.

Il renouvelle cette étape pour chaque feuille à imprimer. Comme nous l'avons dit au préalable, il s'agit d'un art multiple et d'une technique d'impression : un dessin est imprimé plusieurs fois. Elles ont toutefois un caractère d'unicité de par le procédé entièrement manuel de fabrication. On peut parfois distinguer de subtiles nuances de couleurs ou de positionnement d'une estampe à l'autre. Aucune machine n'intervient dans la fabrication d'une véritable estampe japonaise.

Pour obtenir les nuances dans une même couleur, ces dégradés dans les bleus, si célèbres, que l'on retrouve par exemple dans le haut des estampes de Hiroshige, c'est toujours l'art et l'habileté de l'imprimeur qui sont à l'oeuvre. Cette technique, appelée bokashi consiste à faire varier la densité d'une couleur par la dilution de l'encre avec l'eau, quand il l'appose sur un bois. La manière dont l'imprimeur va ensuite frotter sur la feuille, va permettre de créer ces nuances. 

Enfin pour produire certains effets de brillance dans les estampes de luxe, les estampes dites de brocards, du mica ou des pigments métalliques étaient utilisés. De même, on pouvait donner des effets de relief ou de gaufrage à certaines parties de l’image.

Toutes ces techniques utilisées, poussées à un haut niveau d'excellence d'exécution, ont participé à donner aux estampes japonaises leur popularité. 

L'éditeur

Enfin, la quatrième personne c'est l’éditeur qui a une importance essentielle dés le début de l'histoire de l'estampe japonaise.

Il est le responsable financier et commercial de la production de l’image et de sa diffusion, c'est lui qui passe commande à l’artiste et engage l’imprimeur et le graveur. C'était très souvent lui qui était à l'origine des séries, qu'il pouvait initier en demandant à des artistes de concevoir plusieurs dessins autour d'un même thème, d'une même référence ou d'un ensemble de paysages du Japon, comme les séries illustrant le Dit du Genji, par exemple, ou décrivant les courtisanes d'une même maison ou encore les si renommées séries sur le Mont Fuji ou sur le Tokaido d'Hokusai ou Hiroshige. En résumé il assure la partie commerciale, et organise le travail. 

Comment reconnaitre une vraie estampe japonaise d'une reproduction

Lors de l'achat d'une estampe, le dos de la feuille vous est présenté (comme nous le faisons sur ce site). En effet, du fait du mode de fabrication, vous pouvez y distinguer les traces d'encrage, ce qui n'est pas le cas avec d'autres modes mécaniques d'impression où les dos seront opaques. On peut parfois y observer également les mouvements circulaires laissés par le frottement du tampon sur la feuille au moment de l'impression. Attention toutefois a ne pas en faire le seul critère de reconnaissance, Le dos ne sera juste qu'un indice car il arrive parfois qu'une estampe ancienne ait été malencontreusement collée sur un support plus épais, cachant ainsi toute trace de l'encrage. La texture et qualité du papier nous renseignera aussi.

 

 

 

 

Le papier utilisé, le fameux papier japonais ! 

Pour les estampes ukiyo-e traditionnelles, le papier - washi - était fait spécialement à la main à partir des fibres de l'arbuste de mûrier écrasées en pâte et mélangées à de la colle végétale. Différentes qualités de papier washi existent, et il peut être plus ou moins fin mais jusqu'à aujourd'hui c'est toujours exclusivement ce papier qui est utilisé pour la fabrication des estampes japonaises.

Ce papier, très fibreux, solide et d'une très grande qualité permet la pénétration de l’encre par frottement tout en empêchant les bavures.

Enfin pour finir, sur une estampe achevée, figurent la signature de l'artiste et son sceau, plusieurs cartouches dans lesquels sont inscrits le titre de la série ou du sujet, le cachet de l'éditeur et le sceau de censure (comme tous les livres, à l'époque Edo, le Shogunat vérifiait toutes les impressions). Tous ces éléments sont gravés dans les bois et imprimés sur chaque feuille.

En dehors de certaines éditions datant du XXe siècle, les noms des graveurs et des imprimeurs n'étaient pas indiqués. Ce travail était considéré comme appartenant à l'atelier de l'éditeur. Ils sont pourtant, bien que restés anonymes, des créateurs indispensables à la réalisation d'une estampe japonaise. 

Voilà, vous savez tout ! C'est tout ce travail collaboratif dont vous bénéficiez quand vous faites l'acquisition d'une véritable estampe japonaise ! Une oeuvre à la fois multiple et unique !

Dans un prochain article nous vous parlerons des différentes éditions. Voir l'article ici 

 

 

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