Découvrez le le théâtre Nô, un art total

Découvrez le le théâtre Nô, un art total

On trouve rarement des représentations du Nô dans les Estampes Japonaises : celui-ci étant réservé à l'aristocratie, c'est plutôt le théâtre kabuki, lui très populaire qui fut un thème récurrent et incontournable de l'Estampe Japonaise, évoluant dans ce courant de l'image du monde flottant appelé ukiyo-e.

Mais à la fin du XIXe siècle, quelques artistes vont s'y intéresser, le plus célèbre étant Kogyo Tsukioka.

Le théâtre Nô est une forme d'art aristocratique de théâtre chanté et dansé bien ancienne. C'est Kan-ami et son fils Ze-ami, acteur et auteur de théâtre qui à la fin du 14ème siècle codifièrent ce genre, soutenu par le Shogun Ashikaga Yoshimitsu.

L'objectif est de procurer à l'audience un pur sentiment esthétique par la vision des costumes et des masques portés par les acteurs, l'expression dansée, la musique et la gestuelle très codifiée. 

 

 

Tout se déroule sur une scène surélevée appelée honbutai. À l'arrière de la scène, un décor simple sur une tenture représente un pin majestueux aux branches tortueuses, symbole de la longévité et référence aux divinités shinto.

Devant ce décor quatre musiciens appelés hayashi jouent de la flûte (fue), et différents types de tambours (ô-tsuzumi et ko-tsuzumitaiko). Sur le côté droit se tient le chœur appelé jiutai, il accompagne les acteurs dans leur chant.

Relié à la scène, sur le côté gauche, un passage, le hashi-gakari, mène aux coulisses et sert d'entrée aux acteurs. C'est dans ces coulisses qu'un espace particulier, la salle du miroir ou kagami-no-ma, accueille les acteurs qui en pleine concentration, revêtent leur masque et entrent dans la peau de leur personnage. 

La pièce va commencer avec l'entrée d'un des personnages secondaires puis du personnage principal, le shite, qui vont se présenter en dansant et chantant et introduire l'histoire qui va nous être contée.

Un spectacle de Nô est composé de 3 à 5 actes séparés par des intermèdes comiques, le kyôgen destinés à soulager les auditeurs de leur tension. Ce spectacle peut ainsi durer plusieurs heures. 

Deux types de drames peuvent être représentés : ceux traitant d'histoires réelles et ceux où interviennent des êtres surnaturels, tous deux cependant mélangent bouddhisme et croyances shintô. 

Les textes joués sont courts, comportant peu d'indication musicale et pas du tout d'indication de mise en scène qui va utiliser toujours les mêmes codes.

Toute l'esthétique de ces représentations est basée sur la musique et sur l'expression dansée des acteurs. Le Nô est en quelque sorte un art total rassemblant théâtre, musique et danse. En général le rythme des danses est très lent et mesuré, les pas consistant surtout en des mouvement glissés presque imperceptibles. Les gestes ne sont rapides que dans les scènes représentant un combat. Ce qui frappe avant tout c'est une élégance raffinée, une force d'expression concentrée dont est seul capable un comédien connaissant les moindres secrets de son métier. 

Les comédiens sont en scène, on va reconnaître plusieurs types de rôles récurrents :

Le shite tient le rôle principal, il est littéralement "celui qui fait". Il est habillé d'un costume flamboyant ainsi que d'un masque.

Le tsure = acteur assistant

Le/Les waki = les autres acteurs (le nombre de waki varie généralement entre un et deux selon les besoins de la pièce jouée). Ils occupent un rôle secondaire parfois même celui de spectateur, il est littéralement "celui qui est de côté". Eux portent rarement des masques. 

Ils sont tous toujours somptueusement costumés. Tous les rôles sont tenus par des hommes  (comme dans le théâtre Kabuki). Ces costumes sont d'une richesse et d'une somptuosité incomparables et contrastent singulièrement avec la simplicité régnant sur les planches. Ils sont appelés Nô-shôzuko, ce sont des kimonos taillés dans de luxueux tissus de soie et de brocarts épais et lourds aux couleurs qui répondent , elles aussi, à des conventions, par exemple le rouge symbolise la jeunesse. 

Le costume ne sert pas à donner une image réaliste du héros mais il permet au spectateur de comprendre visuellement son sexe, son âge, son caractère et son statut social.

On va retrouver 4 types de costumes, tout comme pour les masques qui vont évoquer  : le féminin, la danse, le guerrier et le vieillard. 

C'est pourquoi, il est important de connaître les codes et conventions de cet art formel, pour l'apprécier totalement.  

Peu d'accessoires apparaissent sur scène, à part une nacelle de bambou pour symboliser, selon la scène une barque, une maison ou un chariot. Les acteurs, quant à eux arborent un éventail pliant, or et argent, appelé chûkei qui indique le début d'une danse, un objet ou un sentiment particulier. 

Et bien sûr dans le Nô, les comédiens portent des masques (nômen). Ils ne couvrent que le visage, le bord du menton et les os de la mâchoire restent visibles si bien que les expressions du visage du personnage sont très différentes en fonction de l'angle de vu. 

Ces très beaux masques, fabriqués avec soins, sont taillés dans du bois, peints et laqués pour certains. Relativement plats, ils s'attachent derrière la nuque à l'aide de deux cordons. Ils symbolisent des caractères conventionnels, appartenant à des types différents :

 

 

Masque Ko-Omote

 

- les masques de femmes jeunes ou agées: Omote, Ko-Omote, Narimasu, Okame, Uba

- les masques d'hommes, en particulier le vieillard : Heida, Yorimasa, Okina, Shio-fuki, Jo, Kasshiki, Maijo 

 

Le masque du vieillard, Okina

 

- les masques d'animaux: Kitsune (renard), Kawasu,  Saru (singe)...

- les masques de démons: O-Beshi-mi, Ôni, Tengû, Hannya 

 

 

Le masque de Hannya

 

- les masques représentant des fantômes ou des esprits. 

Pour les intermèdes, kyôgen, les masques sont en général grotesques comme Hyottoko, Otafuku ou Kobuaku. 

Ces masques sont souvent signés par les artisans. Ils sont tenus en grand respect par les acteurs, qui leur vouent un véritable culte. Certains constituent d'ailleurs de véritables chefs-d'œuvre. Les plus beaux remontent à l'époque des premiers comédiens, maîtres du Nô et appartiennent pour la plupart aux grandes lignées qu'ils ont fondés.

Comme on l'a dit, ce théâtre était un art réservé aux érudits, mais vers la fin du XIXe siècle (début de l’Ere Meiji), il va s'ouvrir à une audience plus large. Dans le monde de l'estampe, c'est l'artiste Kogyo Tsukioka qui, dans plusieurs séries, va le mettre en valeur grâce à ses estampes d'une grande finesse. En effet l'art de l'estampe très lié au kabuki n'avait que peu représenté le Nô avant cette époque, Yoshitoshi , père adoptif de Kogyo, grand amateur de cet art, a sans doute transmis à son élève la passion pour cette forme de théâtre.

Les Estampes de Kogyo, par leur composition sobre, sont tout particulièrement passionnantes à connaître et nous permettent de découvrir la beauté et la puissance d'évocation de cet art.  

 

Nos sources:

*Nous avons utilisé pour l'écriture de ce blog l'ouvrage Le Japon, Dictionnaire et civilisation par Louis Frédéric aux éditions Robert Laffont. 

*Les illustrations de notre blog sont issues du livre Guide illustré du Japon traditionnel, Vol. 3, Vêtements et arts de la scène aux éditions, Le prunier / Sully

 

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