Les Kuchi-e sont des illustrations insérées dans les publications de romans japonais ou de magazines à la fin du XIXe siècle. Du fait de leur insertion dans un ouvrage littéraire, elles comportent deux plis.
A la fin de l’ère Meiji, au tournant du siècle, l’âge d’or de l’ukiyo-e était fini. Sollicités par des éditeurs de romans populaires, certains artistes de la jeune génération se lancèrent alors dans un genre assez particulier qu’on désigna sous le nom de Kuchi-e.
Le terme même de Kuchi-e est composé des caractères de la « bouche » (kuchi) et de celui de l « ’image », (e), il désigne la gravure (toujours sur bois, polychrome) qui placée en première page d’un livre ou d’une revue, en marque comme l’entrée.
Les auteurs Helen Merritt et Nanako Yamada, ont récemment mis en évidence tout l’intérêt que ce type d’estampes japonaises méritait dans leur ouvrage, Woodblock Kuchi-e prints. Reflection of Meiji culture. University of Hawai Press. 2000. Elles traduisent simplement en anglais Kuchi-e par « frontispice » pour nommer ces estampes, généralement de 22 sur 30 cm, soit l’équivalent de deux pages d’un livre, que le lecteur ne découvrait qu’après les avoir dépliées.
Les Kuchi-e, malgré leur évidente richesse technique ne s’apparentent pas pour autant à un art de luxe élitiste. Elles se développèrent, bien au contraire conjointement avec l’essor des grandes revues littéraires commerciales et l’édition des romans à succès. Il n’en reste pas moins que ces gravures originales sont comme un ultime acte de résistance face aux techniques modernes de reproduction de masse, qui vont bientôt supplanter définitivement l’estampe au début du XXe siècle dans le domaine de l’illustration (comme la lithographie puis la photographie).
La plupart des kuchi-e représentent des bijin (belles femmes) dans la tradition des beautés idéalisées de l'art japonais. Les sujets sont cependant très imprégnés de ce que l’Ere Meiji a absorbé de l’occident et reflètent en cela le mouvement artistique de l’époque. Comme l’ensemble des Estampes Japonaises des années 1870-1880 qui représentaient l’occidentalisation du Japon, les Kuchi-e exploraient la culture, la façon de vivre des citoyens de l’époque Meiji qui se partageaient entre tradition et modernité, notamment dans la mode.
Citons parmi les plus brillants artistes qui ont popularisé ce type d’estampes, Kajita Hanko, Takeuchi Keishu, Tomioka Eisen, Suzuki Kason, Mizuno Toshikata et Kaburagi Kiyokata, considérés comme les « maîtres » de cette fin du XIXe. Ils ont influencé leurs disciples et suiveurs dont certains deviendront le fer de lance du mouvement Shin Hanga.
On aime leur grande finesse, la mélancolie qui souvent s'en dégage et l'originalité des compositions qui annoncent parfois les bandes dessinés modernes. Vous pouvez en retrouver plusieurs exemples ici dessous :